Deuxième chapitre |

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Le soleil était décidément bien au rendez-vous. Il brillait d'une intensité étrange, comme s'il avait décidé, aujourd'hui, de ne brûler personne, juste de les effleurer de ses rayons pour que les gens en profitent un maximum. Que les femmes se dévêtissent afin que les hommes en profitent, les regardant avec envie et timidité à la fois. Nolwenn revivait. Un peu. Ce soleil. Qu'est-ce qu'il pouvait lui avoir manqué. Ces dernières années, elle avait eu l'impression de vivre dans un hiver perpétuel, peuplé d'images effrayantes, de froideur, de noir... Mais maintenant, ça allait changer. Et puis, ce jeune homme qui l'accompagnait. Il avait réussi à la faire sourire. Il était doué. Vraiment très doué. La jeune femme releva brièvement son regard vers le sien, esquissant un petit sourire.

« Oh. Ce parc. Bien, je vous suis dans ce cas. Il est agréable d'y être. »

Sans rien ajouter d'autre, elle lui emboîta le pas. Il marchait un peu trop vite pour ses petites jambes, mais elle s'efforçait de la suivre. Elle ne voulait pas le perdre de vue. Non. Elle ne voulait pas perdre ce qu'il avait dans son sac de vue. Oui, là, c'était déjà un peu plus réaliste, bien que dire que lui, professeur d'éducation sexuelle, ne l'intéressait pas un minimum serait un vilain mensonge. Nolwenn leva de nouveau son visage vers le sien lorsqu'il lui dit son prénom. C'est vrai que ce serait plus pratique pour discuter. Un peu essoufflée, elle se posa deux secondes à l'entrée du parc, posant l'une de ses mains sur ses hanches. Marcher aussi vite, quelle plaie. On ne profitait aucunement du paysage ainsi...

« Nolwenn de Lançois. Enchantée de vous rencontrer, Seikyo Nizuma. »

Son regard détailla encore un peu plus le corps relativement musclé du garçon, avant de pénétrer dans le parc. Il était tellement grand. Parfait pour faire un jogging, pour faire un pique-nique ou y emmener des enfants. Ou tellement d'autres choses encore. Malgré toute l'amitié qu'elle éprouvait pour la nature, la jeune romancière sortit une cigarette. Elle la portant lentement à ses lèvres et l'alluma, en tirant une première bouffée. Décidément, rien ne valait une bonne cigarette... Bref. Ils avaient fait quoi... A peine vingt mètres depuis l'entrée du parc quand Nolwenn s'arrêta. Elle porta une nouvelle fois sa cigarette à ses lèvres et pencha son visage sur le côté, plongeant son regard dans celui de Seikyo. Quelque chose semblait la chagriner.

« Tutoyons-nous. Je n'ai pas pour habitude de vouvoyer ceux que je connais. Ni ceux que je ne connais pas. Non ? »

Ah là là, cette manie qu'elle avait de toujours vouloir tutoyer tout le monde. Ça lui rappelait un peu son enfance, quand elle était petite. Sans attendre une quelconque réponse de la part du jeune homme, elle tira une nouvelle bouffée de sa cigarette et reprit sa marche. Elle avait une idée bien précise de l'endroit où elle voulait qu'ils se posent. Un endroit tranquille, calme, loin de la vue des enfants. Que personne ne vienne les déranger. Elle avait horreur de ça. Finalement, au bout d'une ou deux minutes, elle finit par trouver son petit bonheur. Elle n'avait pas fait attention si Seikyo l'avait suivie, mais lui faisait assez confiance pour ça. Un bref sourire aux lèvres, Nolwenn s'installa sur l'herbe chaude, dans un endroit où, généralement, personne ne venait. Elle n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi. Assise en tailleurs, son sac sur ses cuisses pour cacher son sous-vêtement, sa cigarette à la main, elle attendit que le jeune homme vienne la retrouver.

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Bien que les rayons de soleil étaient éblouissants, ce qui attirait le plus l'attention chez Seikyo, c'était bien cette jeune femme qui de la personne lambda était devenue l'intrigue du moment. Il est vrai qu'au premier abord, il n'avait même pas noté sa présence en face de lui dans la librairie, mais le fait qu'ils aient une cible en commun la rendait plus attirante, allez savoir pourquoi, c'est une manière de penser d'homme ça. Pour discuter de leurs problèmes et de leurs différents, ils avaient décidé de quitter ce bout de rue pour un coin plus isolé et calme. Seikyo était ravi qu'elle accepte aussi vite sa proposition, étant femme, elle aurait pu faire la fine bouche, sauf qu'il était le détenteur de la bible sacrée qu'elle convoitait, alors il faudrait tout faire pour le brosser dans le sens du poil. Le professeur d'éducation sexuelle était content de n'avoir rien à cacher pour une fois. Souvent, il jouait le rôle d'étudiant âgé en mettant des habits plus confortables. Arrivait toujours le moment où il devait dévoiler le fait qu'il était en fait enseignant, toujours un sentiment désagréable. Là, il marchait le coeur léger, sans avoir à se demander quand il allait bien pouvoir lui apprendre la nouvelle. La femme ne semblait pas plus choquée que ça, les écrivains devaient avoir l'imagination débordante alors toute situation incongrue ne devait être qu'une part de la fantaisie de la vie.

"De même, tout à fait ravi de faire votre connaissance Nolweenn."

Si ils échangeaient leurs noms, ce n'était pas pour continuer à se vouvoyer sans l'employer alors le jeune homme ne se gêna pas pour prononcer ce joli nom, peu commun au Japon. Elle devait être étrangère d'après les consonnances qu'elle avait. Ignorant le regard mesuré de celle qui l'accompagnait, Seikyo se concentrait d'avantage sur le chemin à prendre. Ce n'était pas compliqué, mais il lui suffisait d'une petite erreur pour se retrouver à l'opposé. Ryoosei n'était pas une grande ville, mais il n'était pas complètement à l'aise avec non plus. Son temps avait été d'avantage passé dans le pensionnat à donner les cours et un peu moins dans le centre ville. Heureusement, la verdure se faufila jusqu'à son champ de vision, le parc les attendait là, patiemment. Seikyo ne cachait pas son soulagement de l'avoir atteint aussi facilement. Quand Nolween sortit une nouvelle cigarette, il ne put se retenir de lui demander:

"Est-ce que je peux vous en prendre une aussi?"

Ca le démangeait depuis tout à l'heure, il se sentait bête sans rien dans les mains à la longue! Sa remarque le fit doucement rire. En gros, elle avait l'habitude de tutoyer tout le monde, directe la femme. Ce n'était pas pour lui déplaire, le vouvoiement instaurait une petite distance entre les gens, c'était bien dommage puisqu'ils pourraient être bien amis à la longue.

"Ca ne me dérange pas, j'allais te le proposer justement."

Ainsi, ils venaient de passer de la distance au rapprochement. Déjà, prononcer "tu" donnais l'impression de pouvoir se détendre un peu plus, d'être plus à l'aise. Seikyo n'était pas non plus un aristocrate attaché à l'étiquette, loin de là. Justement, à New York, bien que dans la langue anglaise le "tu" et le "vous" sont prononcés de la même manière, il était plutôt dans l'optique d'être le pote à tout le monde, que ça leur plaise ou non. Sans vraiment y réfléchir, il suivait la jeune femme qui savait surement où elle allait. Au final, ils se retrouvaient dans un coin tranquille, personne en vue. Le jeune homme s'assit en face de Nolween et posa le sac à ses côtés. Ce n'est pas pour casser l'ambiance si sereine, mais il devait encore parler un peu affaire.

"Si ce n'est pas indiscret... Sur quoi il va porter ton livre?"

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Nolwenn esquissa un petit sourire en entendant la demande de Seikyo. Il aurait pu le lui demander bien avant. Une cigarette, ce n'était rien pour elle. Elle pouvait se payer tout ce qu'elle voulait. Quoique pas vraiment. La preuve, le livre qu'elle convoitait, elle ne pouvait pas se l'offrir. Quelqu'un s'était fait plaisir avant elle. Néanmoins, la jeune demoiselle avait décidé de ne pas abandonner aussi facilement. Non. Elle avait besoin de se livre. Il était parfait pour ce qu'elle voulait faire. Elle aurait tous les détails. Tout ce qu'elle voulait savoir. Exactement tout. L'inspiration était revenue, elle se devait de ne pas la laisser repartir et se battre. Réflexion idiote, sûrement, mais elle était comme ça, Nolwenn. Quand elle avait quelque chose en tête, il était fort compliqué de le lui enlever... Et en l'occurrence, là, elle était prête à tout pour avoir ce livre. Tout. Soudain, elle se rendit compte que son corps s'était mis en pause. Ca devait bien faire cinq-six secondes qu'elle regardait dans le vide, à réfléchir. Ses joues s'empourprèrent un peu, à peine, mais juste assez pour que ça se voit. Elle détestait ça, ce sentiment. Bref. Elle fouilla dans son sac à main pour en ressortir son paquet de cigarettes, qu'elle tendit au jeune homme en face d'elle. Il était plutôt mignon quand même... Une fois qu'il eut pris son tube de nicotine, elle rangea le paquet dans son sac et lui tendit son briquet. Et enfin, pour la première fois depuis qu'elle s'était assise, elle prit la parole.

« Mon livre. J'ai pas mal de petites idées qui me trottent dans la tête. Je pense faire quelque chose d'à la fois fantastique et à la fois psychologique. J'aimerais qu'à la fin de mon livre, une fois qu'on l'ait lu, on soit bouleversé, sans vraiment comprendre pourquoi. Je pense que je vais faire passer des messages qui me sont chers, implicitement. Parler de ce que j'aime. De ce que je n'aime pas. Ce sera, quelque part, autobiographique, mais sans l'être. Enfin.. Je ne sais pas si tu saisis, mais c'est assez compliqué. Et, du coup, comme j'aime le sexe, j'avais décidé de me documenter à fond. Il y aura bien évidemment des scènes d'amour dans ce livre. Je ne peux pas prétendre être une experte du lit.. Donc j'ai besoin de me documenter. »

Paf. Voilà qui était dit. Elle avait tout débité d'un coup. Restait à savoir ce qu'il allait en penser, lui, de cette idée. Finalement, elle ne lui avait quasiment rien dit... Ou plutôt, oui et non. Elle avait su garder une grande part de mystère tout en lui dévoilant les idées maîtresses de son futur bouquin. La jeune demoiselle porta la fin de sa cigarette à ses lèvres, en tira une brève bouffée, et la jeta plus loin. Elle s'était consummée presque toute seule. La blase. Lentement, elle finit par s'allonger sur l'herbe. Il faisait si beau et si chaud dehors. C'en était vraiment très agréable. Elle ferma lentement les yeux. A l'ombre, là, ils étaient bien. Eloignés des autres. Un peu comme coupés du monde. Ils pouvaient parler de tout ce qu'ils souhaitaient, sans craindre qu'une maman un peu trop prude hurle dans le parc. Un soupir s'échappa des lèvres de Nolwenn. Elle rouvrit les yeux. Et les posa dans ceux de Seikyo. Elle avait le regard brillant.

« Tu comprends, maintenant ? L'inspiration, elle s'en va, elle revient... Et là, elle est revenue. Ca faisait longtemps. J'ai besoin de ce livre.. Et je suis prête à tout pour l'avoir. »

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Allez un petite cigarette pour se soulager! Qu'est-ce que cela faisait du bien de pouvoir enfin inhaler les vapeurs toxiques qui étaient en train de le détruire de l'intérieur. L'humain est logique, il se tue et apprécie la source de ce mal. Seikyo n'allait pas réfléchir aussi loin, il ne faut pas chercher à analyser toute réaction des vivants car certaines sont bien incompréhensibles. Au moins, c'est l'esprit détendu qu'il pouvait revenir au fameux marchandage dont le prix était le bouquin. Au fil du temps, le jeune homme se disait qu'il en aurait surement moins besoin parce qu'en le lisant, il n'allait pas non plus changer ses méthodes de travail. Au pire, un ou deux exercices auraient peut-être vu le jour. Ils avaient certainement des techniques ancestrales de préliminaires. Tous deux plongés dans la réflexion, l'une dans la nécessité d'avoir le livre, l'autre se disant qu'il était en train de la faire tourner autour du pot. Comme toujours, l'homme cherche à avoir un bénéfice. Alors admettons qu'il veuille bien se séparer du livre si durement payé, qu'est-ce qu'elle pourrait lui offrir en retour. Déjà, il se renseignait sur son futur chef d'oeuvre.

"Tu peux éventuellement utiliser les connaissances que tu possèdes déjà pour les décrire. Tes propres expériences et ce que tu aurais ressenti à ces instants précis. Ca ne sera que plus réaliste."

Alors qu'est-ce qu'elle disait de ça? La fumée sortant de la bouche du professeur brouilla un instant son champ de vision jusqu'à ce que le visage de son interlocutrice lui réapparaisse clairement. Elle était confortablement allongée. Certainement il serait bien venu la rejoindre mais gardait pourtant la distance, tant que tout ne serait pas parfaitement clair et fixé. Elle le voulait à tout prix. Combien de fois n'avait-il pas entendu cette expression "prêt à tout pour l'avoir". Ces personnes ne savent vraiment pas ce qu'elles disent. Il aurait pu être un fou dangereux et l'aurait pris au pied de la lettre en lui imposant des folies! Ah, c'est qu'il n'avait pas la tête d'un fou, encore heureux. S'appuyant donc sur son coude, le jeune homme tira longuement sur sa cigarette. Déjà terminée, son petit plaisir s'était fait bien court. Ce serait abuser que de lui en réclamer une supplémentaire alors il se contentait de laisser le mégot éteint dans l'herbe pour le moment.

"N'importe quoi hein? Je me suis dit qu'on aurait pu partager ce livre. Ou bien encore, je pourrais peut-être t'offrir de l'inspiration qui sait?"

On ne pouvait pas faire plus direct. Tôt ou tard, quelque chose de cette couleur allait arriver sur le tapis. Seikyo n'avait besoin d'aucune possession physique, déjà bien à l'aise avec sa situation alors le seul bien, éphémère que lui et tant d'hommes pouvaient encore accepter était le suivant. Le sourire en coin, il voulait voir si l'écrivain assumait ses paroles, il ne faut jamais dire les choses à la légère de nos jours car on n'interprête pas tous de la même façon.

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Elle n'y arrivait pas... Non, décidément. Nolwenn ne parvenait pas à rester plus de dix secondes sans tourner son visage vers celui de Seikyo. Et elle adorait ça. Elle trouvait ça amusant. Très amusant. En prenant un peu de recul, la situation lui paraissait plus que comique. Elle, qui désirait simplement acheter ce livre. Lui, qui désirait la même chose. Et les voilà qui se retrouvaient à le négocier. C'aurait pu être pathétique. Mais non. La situation avait quelque chose de délicieusement agréable. Jusqu'à ce qu'il reprenne la parole. Là, il brisait la plupart de ses chances de récupérer ce bouquin qui l'attirait tant. Oui, elle pouvait. La jeune demoiselle se redressa alors sur les deux coudes, un vague sourire sur les lèvres. Malgré cela, elle n'allait sûrement pas se laisser faire. Elle reposa brièvement son regard dans le sien, avant de le laisser se perdre dans le vide.

« Oh oui ce sera plus réaliste. Mais beaucoup moins riche. Non, j'ai besoin de ce livre... »

Puis elle se rallongea. L'argument qu'elle lui avait ainsi étalé était loin d'être convainquant. Elle devait absolument en trouver un autre. Et elle le trouva. Les yeux plongés dans la verdure de l'arbre sous lequel ils étaient, elle reprit ainsi la parole.

« Et puis... Ce livre peut aussii me permettre de connaître de nouvelles sensations et d'avoir de nouvelles expériences. Que je peux coucher sur papier ensuite. Tu ne crois pas ? »

Ce n'était pas le meilleur des arguments, loin de là, mais il était davantage valable que celui qu'elle avait exposé auparavent. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Elle fouilla aveuglément dans son sac à la recherche d'une autre cigarette, prit son briquet, apporta ladite cigarette à ses lèvres et l'alluma. Il faudrait qu'elle pense à réduire. Ca commençait à faire beaucoup en peu de temps, là... Elle faillit par ailleurs s'étouffer en l'entendant prendre la parole une nouvelle fois. Lui offrir de l'inspiration ? Non mais il était complètement fou..! ... Quoique... Nolwenn ferma les yeux afin de calmer les battements de son coeur, qui s'était subitement emballé. Elle recracha la fumée qui commençait à stagner dans ses poumons. Rouvrit les yeux et posa son regard sur Seikyo. Une étrange lueur était apparue dans ses prunelles.

« M'offrir de l'inspiration ? ... Pourquoi pas. Mais... T'en sens-tu réellement capable ? »

Un franc sourire, cette fois-ci, s'étala sur ses lèvres. Qu'allait-il répondre à cela ?

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Une fois qu'on a commencé, difficile de s'arrêter. La preuve, aussitôt la première et dernière terminée, l'enseignant avait envie d'un autre petit batonnet de nicotine. Ce n'est pas sans envie qu'il regardait Nolween s'en procurer encore une, elle fumait comme un pompier cette femme! Ca lui laissait le temps de la réflexion. D'une certaine manière il faudrait agencé tout ce trafic pour que tous soient bénéficiaires. Dans le business, il n'y a pas de sentiments ou autre. Il y a des biens, contre des biens. Pas de cadeau pour les pauvres et ceux qui n'ont rien à proposer. A l'époque il avait eu l'habitude de marchander auprès des dealers, auprès de n'importe qui en fait. Il s'était révélé très bon dans le domaine alors quand on est bon, on se fait employer souvent, logique. Pour contrer l'argument fragile de Nolween, il lui proposait d'écrire avec de véritables expériences personnelles, chose à laquelle elle répondait avec quelque chose de tellement faible qu'il ne le releva pas, conservant un sourire en coin tout le long de la discussion.

"Moi aussi je pourrai en apprendre sur ces nouvelles sensations, et ça ne serait que bénéfique pour mes élèves voyez-vous. Qu'est-ce qui est le plus important. L'éducation ou une autobiographie? Mon but est bien plus noble, reconnais-le."

Il se faisait le grand héros de l'histoire, un professeur qui se donnait corps et âme pour l'avenir de ses élèves, la bonne blague. Il profitait tout autant qu'eux de la matière. Sur un quasi pied d'égalité, les deux se défiaient du regard. Elle ne voulait pas céder, quel dommage. Alors il retournait à la charge par une ultime proposition qui aurait vite fait d'intéresser la personne. Haussant les épaules, Seikyo ne joua pas la carte de la prétention. Le message était plutôt de la couleur du "qui vivra verra". Si elle acceptait son aide, elle saurait bien si quelque chose en découlerait.

"Tu sais, nous pouvons tout aussi bien ouvrir cet ouvrage ici, et expérimenter les nouvelles sensations que tu pourrais apporter à ton ouvrage. L'après-midi est longue, il y a assez de temps pour beaucoup. Et au pire, rien ne nous empêche de nous recroiser par hasard pour une nouvelle inspection de notre Bible?"

L'air détaché, l'enseignant tirait le Kamasutra du sac plastique et le posait religieusement entre eux. La reliure en cuir, le dessin explicite de la couverture, le livre ressemblait à une boite de Pandore qu'ils s'apprêtaient à ouvrir, à leurs risques et périls. Elle était assez aventurière pour s'y risquer il n'en doutait pas. Suffisait juste d'obtenir enfin un accord, un pacte pour qu'enfin leur soif de connaissance soit étanchée. Le coeur de Seikyo accéléra le mouvement, impatient de voir ces fines lèvres s'entrouvrirent pour formuler l'accord.

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Nolwenn recracha sa fumée sans grande conviction. Sa cigarette ne la satisfaisait pas. Elle se redressa tout en écoutant attentivement Seikyo parler. Oui, il était professeur. Elle le savait, pas la peine de le lui râbacher cent qinquante mille fois. Oui ça pouvoit lui être utile, patati patata... Lui lui lui. Il était déjà censé être un expert dans ce domaine ! Alors qu'elle, en tant que romancière, n'avait aucune raison de bien s'y connaître ! La jeune demoiselle posa ses deux mains sur l'herbe, tout en ayant pris soin d'éteindre son bâton de nicotine auparavant. Elle le reprendrait plus tard. Elle le glissa dans son paquet. Tant pis, ça sentirait le tabac froid. Puis elle tiqua légèrement de l'oeil lorsqu'il lui demanda de reconnaître la noblesse de son but. Le mot "noblesse" n'était certainement pas le plus adapté pour ce genre de situation, loin de là. Elle soupira doucement, avant de relever son visage vers celui du professeur.

« Non, je ne le reconnais pas. Je ne vois pas ce qu'il y a de noble dans cette histoire. Tu es censé en connaître un rayon. Ce livre me serait beaucoup plus utile. »

Argh. C'est qu'elle commencerait presque à s'énerver, notre petite jeune femme ! Non, elle devait se calmer. Elle n'était pas comme ça, à se mettre en rogne pour un rien. Un faible soupir s'échappa une nouvelle fois d'entre ses lèvres. Lutter, encore lutter. Elle n'avait fait que ça dans sa vie. Et elle commençait à en avoir un peu ras le bol, pour être polie. Elle s'apprêtait à reprendre la parole lorsque Seikyo la devança. Sans broncher, elle l'écouta parler. Et écarquilla les yeux. Il lui proposait quoi là... ? Un sourire nerveux apparut sur ses lèvres. Oula. Son coeur manqua un battement, tandis qu'elle se rallongeait. Elle mêla ses doigts entre eux. Elle tremblait. Jamais à ce jour on ne lui avait proposé quelque chose de la sorte. Elle ne le connaissait pas, ou à peine... Certes, ce pouvait être excitant, mais.. Enfin quand même ! Elle était libérée et en manque, ok, mais de là à se jeter dans les bras du premier inconnu... ! Mais d'un autre côté, c'est vrai que cela pouvait se révéler fort intéressant... Pendant quelques secondes, elle fixa les feuilles de l'arbre au-dessus d'elle. Son choix était fait. Toujours allongée, elle tourna son visage vers celui de l'enseignant. Et, sans sourire, elle lui répondit.

« Montre-toi convainquant. »

En prononçant ses mots, ses joues étaient devenues rouges vif. Elle ne savait pas dans quoi elle s'embarquait. Mais ce dont elle était sûre, c'était qu'elle n'allait pas passer cette occasion. Son regard se plongea dans le sien. Ses deux mains, posées sur son ventre, se délièrent lentement, alors qu'elle attendait la réaction du jeune homme.

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Utiliser la noblesse de son travail à des fins matérielles. Le professeur n'avait aucun remord à user de toutes les armes qui étaient à sa disposition. Aussitôt qu'une possibilité d'avancer d'un pas se présentait qu'il saisissait la chance pour rabattre le caquet au joli écrivain qui lui faisait face. A première vue il n'aurait rien vu, mais à force de la regarder, il lui trouvait bien du charme à la belle. A la manière de deux enfants ils se disputaient le livre à coup d'argument proches du "non c'est à moi! - non à moi! - même pas vrai!". Commencer à discuter de la noblesse ou non de son boulot... Seikyo campait sur ses positions initiales, nullement prêt à lâcher d'une traite son achat. Il avait envie d'éclater de rire depuis le début mais conservait un sérieux, professionnalisme qu'il avait acquis avec toutes les négociations passées. Il était un client ou un vendeur exigeant. Seul un prix équivalent pourrait être intéressant pour un tel échange. Si elle ne venait pas le lui proposer, il allait devoir le lui suggérer lui-même il faut dire...

"Toute une vie n'est pas assez pour parvenir à obtenir tout le savoir du monde. Avant de mourir, j'espérais au moins poser les yeux sur ce livre pour apprendre à mes élèves que les plaisirs peuvent se décliner de nombreuses façons. Ce sont des personnes épanouies qui vont plus tard sortir dans la société avec des acquis important, tu te rends compte de ma mission?"

Des acquis importants parce qu'entre nous, la sexualité était nécessaire dans une vie de couple équilibrée n'est-ce pas? L'agacement de Nolween commençait à pointer sur son visage, rapidement balayée par le professeur qui revenait sur ses propositions. En tant que bon vendeur, il savait faire des affaires. Des propositions pour que tous les partis soient content, la base de toute transaction. Dans le cas présent les biens matériels échangés étaient beaucoup moins lourd en conséquence que des sachets de drogue, ils n'étaient pas dans l'illégalité quant à ce qu'ils feraient de ces corps éphémères qui leurs servaient de réceptacle. La voir sourire ne présageait que du bon. A moins qu'elle ne soit en train de rire jaune et qu'elle allait l'abandonner en lui administrant une gifle monumentale à lui décrocher la mâchoire. Non, elle ne partait pas, se rallongeait. Comme si ce qu'il venait de dire était tout à fait naturel, le professeur s'affairait à tirer des brins d'herbe et à les laisser tomber. Le regard calculateur, un sourire toujours plus proche de l'amusement, il n'attendait qu'une réponse positive qui scellerait leur pacte. Aucun témoin pour officialiser l'accord, ils joueraient le double rôle d'observateur et de vendeur. Un moment qui sembla être une éternité s'écoula entre sa proposition et la réponse de Nolween qui acheva de faire sourire franchement le blond charmeur.

"Je te laisse juger, Nol-ween."

Prononcer son nom avec lenteur puis s'approcha à quatre pattes de la jeune femme en repoussant le livre sur son passage. Elle était allongée, son visage rosi par le vent ou les évènements. Lui prenant une main il se pencha soudainement vers elle pour poser les lèvres sur les siennes, d'un premier baiser langoureux, une entrée en matière sensuelle et délicate qui achèverait de la conforter dans son avis. Seikyo ne prononça de mots supplémentaires en venant baiser son cou. Sa jambe passait par-dessus elle pour se mettre de par et d'autre de sa personne. Simple et efficace, il connaissait les gestes à faire pour qu'une femme se détende, qu'elle finisse par s'offrir corps et âme à la personne. Il y allait doucement pour lui laisser le temps de s'adapter à cette nouvelle saveur, ses lèvres qui retournaient capturer les siennes alors que sa main caressait son ventre...